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3. L’émancipation et la ségrégation : LE BLUES

Publication : (actualisé le ) par Monsieur SUDRE-ROUFFAUX - CM2A - 2024-2025

Une sorte de ligne-frontière sépare les États-Unis en deux depuis la fin de la guerre d’indépendance en 1783 jusqu’à l’expansion territoriale du pays durant la première moitié du XIXe siècle.
Au Nord, les États de l’Union, plus libéraux, ont progressivement aboli l’esclavage.
Mais les États du Sud, bien que dominés politiquement par le Nord, sont beaucoup plus intransigeants, car leur économie repose sur l’esclavage de 90 % des Noirs du pays.
Même s’ils en affranchissent quelques-uns de temps en temps, les riches propriétaires ne veulent pas entendre parler de la libération de personnes qu’ils considèrent à peine comme des humains.
Les révoltes des Noirs sont sévèrement punies de même que leurs tentatives de fuite vers le Nord, la "Terre promise" qui, chantée dans les negro spirituals, prend un deuxième sens caché, celui de la liberté.

Cette situation amène les Sudistes à faire "sécession" et, en 1861, la guerre civile est déclenchée.
En 1865, la Confédération sudiste est vaincue et l’esclavage aboli sur tout le territoire américain.

Commence alors une période où les Noirs vont tenter de s’intégrer au système blanc dominant, en adoptant ses valeurs et sa musique et en tentant d’oublier leurs propres racines.
Ainsi les negro spirituals sont arrangés et chantés en concert à la manière lisse occidentale par des chorales et des quartettes (1) vocaux masculins dans un style qu’on appelle jubilee (2) et plus tard par des chanteurs noirs classiques comme la grande Marian Anderson (3).

Go Down, Moses
Marian Anderson (chant) accompagnement piano. 1936
Marian Anderson/Histoire De La Musique Américaine (Disque 1) (2001)

Pendant ce temps, légalement libre, mais dépourvu de tout, le Noir du Sud se trouve réduit à travailler pour ses anciens maîtres dans des conditions presque aussi mauvaises qu’avant, tandis que s’installe, perfidement, mais méthodiquement, une ségrégation raciale (4) qui dure encore de nos jours !
Pourtant les communautés de paysans noirs et blancs, parfois aussi pauvres les unes que les autres, se voient souvent obligées de cohabiter (5). Et là encore, c’est la musique qui va permettre les échanges ; les Noirs reprennent à leur compte les ballades folkloriques d’origine irlandaise, les songs (6) en y ajoutant des particularités vocales, rythmiques et harmoniques héritées de l’Afrique, les blue note (7) qui, peu à peu, avant la fin du siècle, donneront naissance au blues (8) au cœur du Mississippi et dans les États voisins, de ce qu’on appelle le Sud profond.
Des chansons communes mettront même en scène des héros que revendiquent aussi bien les Noirs que les Blancs.

Frankie And Johnny
Jimmie Rodgers/Histoire De La Musique Américaine (Disque 1) (2001)

John Hardy
Carter Family : A.P., Sara et Maybelle Carter (chant, guitares et autoharpe) 1930
The Carter Family/Histoire De La Musique Américaine (Disque 1) (2001)

Devenus libres de circuler, de nombreux musiciens noirs adoptent la guitare (introduite dans le pays peu de temps auparavant) et commencent une vie itinérante de songster (9), de bluesman (10) ou d’évangéliste (11).

Let Your Light Shine On Me
Blind Willie Johnson (chant et guitare) 1929
Blind Willie Johnson/Histoire De La Musique Américaine (Disque 1) (2001)

P.-S.

(1) des quartettes : un quartette est un groupe vocal masculin à quatre voix (soliste, ténor, baryton, basse).

(2) jubilee : style dont l’harmonisation simple de ces quartets a la particularité de faire intervenir une voix au-dessus de la mélodie. Ces quartets vocaux sont plus spontanés, prennent plus de risque que les chœurs universitaires qui lassent à cause de leur rigueur, de leur côté conventionnel. D’où, un très grand succès. On peut citer l’un des plus connus, le Golden Gate Quartet lors de la période de l’entre-deux-guerres. À leurs débuts, ils se nommaient les Golden Gate Jubilee Singers et chantaient a cappella en 1934. Entre 1937 et 1943, ils enregistreront plus de cent titres dans un registre religieux mais aussi profane dans les cabarets.

(3) Marian Anderson : Née à Philadelphie (Pennsylvanie) le 27 février 1897 et morte à Portland (Oregon) le 8 avril 1993, Marian Anderson fut une contralto afro-américaine et l’une des toutes premières cantatrices noires de carrure internationale aux États-Unis.

(4) la ségrégation raciale : La ségrégation raciale est une séparation organisée, de droit ou de fait, entre des groupes différenciés par la couleur de la peau (notamment entre les Noirs et les Blancs), à l’intérieur d’un même pays. La séparation peut être physique avec des lieux interdits à certains groupes (restaurant, toilettes, école, cinéma, logement) ou prendre la forme de discrimination (à l’embauche, à la location, aux droits civiques).

(5) cohabiter : Vivre avec un autre groupe (ethnique, politique, etc.) présent sur le même territoire ou dans le même espace juridique, sans remettre en cause le système existant.

(6) songs : chanson (dans ce cas, plutôt mélancolique irlandaise).

(7) blue note : Dans le jazz ou le blues, la note bleue (en anglais blue note) est une note jouée ou chantée avec un léger abaissement, d’un demi-ton au maximum, et qui donne sa couleur musicale au blues, note reprise plus tard par le jazz. Les notes bleues peuvent être considérées comme des notes ajoutées à la gamme majeure ; ces notes sont aux 3e, 5e et 7e degrés, abaissées d’un demi-ton.
La blue note est une sonorité qui correspond à une quinte bémol.

(8) blues : Le blues est un genre musical, vocal et instrumental dérivé des chants de travail des populations afro-américaines subissant la ségrégation raciale aux États-Unis. Le blues est apparu dans le sud des États-Unis au cours du XIXe siècle. C’est un style où le chanteur exprime sa tristesse et ses déboires.
Lorsque les Afro-Américains se sentent tristes, ils disent qu’ils ont le blues, qu’ils voient la vie en bleu : cette couleur évoque pour eux les souffrances et l’injustice. Avec cette musique, ils essayent de se redonner du courage en exprimant leurs sentiments. C’est pour cette raison que le blues paraît si triste à entendre. Sa force, c’est que même si l’on n’est pas afro-américain, on comprend leurs souffrances : c’est pour cette raison qu’on dit que cette musique est universelle.

(9) songster : Chanteur.

(10) bluesman : Musicien de blues.

(11) évangéliste : Prédicateur itinérant de l’Église réformée.

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